Suspension de la « Loi Dodd Frank » par l’Administration Trump et l’Effet « Brexit »: Enjeux et défis pour la RDC
Par le Dr. Lokongo
I. Introduction
L’instabilité qui persiste à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis plus de 20 ans, est en grande partie alimentée par le contrôle des ressources minières très lucratives au profit des différents groupes armées, certains éléments des FARDC, les pays voisins, les des groupes d’intérêts privés étrangers, notamment les entreprises occidentales cotées en bourse aux Etats-Unis, au Canada, en France, en Belgique, en Allemagne, etc.,
Ces derniers s’approvisionnent en ces « minerais de sang » de l’est de la RDC, illégalement et par tous les moyens nécessaires, y compris les détournements des minerais d’étain, de coltan (columbite-tantalite), de cassitérite, d’or, du cuivre et du cobalt pour financer les groupes armés – Ban Ki-Moon.[1] Même Kasse Lawal, un conseiller du Président Obama a été pris la main dans le sac entrain d’acheter les minerais de sang de la part du chef de guerre Bosco Ntanganda).[2]
Les métaux 3TG : tantalum, tin, tungsten, gold (tantale, étain, tungstène, or) sont surtout utilisés dans la fabrication des condensateurs électroniques utilisés dans les téléphones cellulaires (mobiles), les ordinateurs portables, les systèmes de jeux vidéo, les stimulateurs cardiaques, les instruments chirurgicaux, les téléavertisseurs, l'électronique automobile, les objectifs de caméra, les appareils photo numériques, les lentilles de caméra, les systèmes de positionnement global (GPS), les condensateurs électroniques, le lithium pour les batteries ioniques, les prothèses, les implants chirurgicaux, les fibres optiques, les moteurs à réaction, ect.,
Selon plusieurs observateurs internationaux, il y a donc un lien entre le commerce international de ces minerais de sang et les groupes armés qui sévissent à l’est de la RDC, ainsi que la complicité des pays voisins ou « Etats Complices ». Les activités d’exploitation des entreprises multinationales opportunistes, qui ne sont pas confrontées à des contraintes domestiques en ce qui concerne la diligence raisonnable de leur chaîne d'approvisionnement en minerais de sang aggravent l’instabilité à l’est de la RDC à la place de la paix et de la stabilité susceptibles de favoriser les économies de coûts pour ces entreprises et la croissance des revenus et la création d'emplois pour la population locale.
Les différents rapports des Groupes d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la RDC, n’ont cessé d’accuser les pays voisins de la RDC et un certain nombre d'individus ainsi que des sociétés d'être responsables d’exploitation systématique des ressources de la RDC. Les Groupe d'experts des Nations Unies ont accusé certaines sociétés américaines (entre autres) d'être liées aux activités des groupes rebelles opérant en RDC. Ces groupes étaient directement impliqués dans l'exploitation illégale et le pillage des ressources.
II. FAITS ET BACKGROUND HISTORIQUE
C’est sur base des efforts du Gouvernement Congolais et du plaidoyer des ONG concernées par le rétablissement de la paix et de la stabilité dans la sous-région de la RDC, qu’en 2010, une loi historique a été adoptée par le Congrès américain ; elle a exigé que les sociétés cotées en bourse aux États-Unis déterminent si leurs produits contiennent un ou plusieurs de ces quatre minerais - l’étain, le tantale, le tungstène et l’or – provenant de la RDC ou de l’un de ses neuf pays limitrophes (Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie, Malawi, Zambie, Angola, République du Congo). Par exemple, le Rwanda et l'Ouganda n'ont pas de ressources importantes en or et en coltan et, pourtant, ils ont été historiquement des exportateurs importants d'or et de coltan dans la sous-région depuis 1998.[3]
En effet, la « Section 1502 de la loi américaine Dodd Frank », connue sous le nom de « disposition sur les minerais des conflits », est le premier texte de loi visant à briser le lien entre le commerce lucratif des minerais de l’est du Congo et les groupes armés auteurs d’exactions pour « une RDC libre de conflit ». La « Section 1502 de la Loi Dodd Frank » répond à la préoccupation du Congrès « que l'exploitation et le commerce des minerais de conflit provenant de la RDC et des pays voisins contribuent à financer des conflits caractérisés par des violences extrêmes à l’est de la RDC, en particulier la violence sexuelle et provoquent une situation humanitaire d'urgence là-bas ...».
Elle oblige les sociétés cotées en bourse aux États-Unis qui croient s’approvisionner en matières provenant de cette région d’opérer des contrôles sur leurs chaînes d’approvisionnement, c’est-à-dire, d’exercer un devoir de diligence, afin de déterminer si leurs achats de minerais ont bénéficié à des groupes armés impliqués dans des exactions.
Les entreprises doivent alors soumettre annuellement un rapport public à la « Securities and Exchange Commission » (SEC), l’organisme américain de réglementation des marchés financiers, à propos des mesures qu’elles ont prises.
La date limite fixée par la loi pour la présentation de la première série de rapports de sociétés était le 31 mai 2014. [4]
Nombreux sont les experts qui estiment que même si les fondements humanitaires de cette législation sont louables, beaucoup reste à faire quant à son application, compte tenu du fait que, la situation que la Section 1502 vise à mitiger, persiste (cependant, certains locaux craignaient déjà que les entreprises américaines puissent par convenance presque boycotter les minerais de conflit provenant de la RDC si elles estiment que le pays de Joseph Kabila ne représente plus une opportunité commerciale pour elles. La réglementation des minéraux, disaient-ils, a fait peu pour entraver les efforts des milices qui continuent à contrôler presque toutes les mines. En plus, en 2010, avant la promulgation de la « Loi Dodd Frank », les mineurs vendaient un kilo d'étain à $7. Le prix au marché mondial était en moyenne de $18 le kilo. Après, les mineurs obtenaient toujours 4 $ par kilo d'étain et il n'y avait que quelques maisons commerciales où ils pouvaient vendre leurs produits, alors que le prix au marché mondial était en moyenne de $22 le kilo).[5]
En plus, cette loi a rencontré la résistance des entreprises américaines incorporées au sein de la Chambre de Commerce américaine, la National Association of Manufacturers (NAM ou Association Nationale des Fabricants) et la Business Roundtable – trois des plus grands groupes industriels américains. Elles sont allées jusqu’à intenter une action en justice contre la SEC.
En juillet 2013, le Tribunal de District de Washington D.C. a statué à l’encontre des groupes industriels, jugeant que leurs arguments étaient « dénués de fondement » et que certaines de leurs préoccupations concernant l’effet de la loi sur les entreprises étaient « exagérées ». Les groupes industriels ont interjeté appel en 2014, mais la réglementation a en grande partie été maintenue.
La Cour d’Appel a cependant établi qu’en obligeant les sociétés émettrices à décrire leurs produits comme « n’étant pas considérés comme étant exempts ou pas de tout lien avec le conflit en RDC », la réglementation les forçait à faire une déclaration sous la contrainte, en violation du droit à la liberté d’expression, pourtant protégée par le Premier amendement de la Constitution des États-Unis et par les constitutions et lois de nombreux États.[6]
Ce qui explique le fait que, selon un avis du cabinet d'avocats Schulte Roth & Zabel, parmi les 1.300 sociétés cotées en bourse aux États-Unis qui ont soumis des rapports à la SEC sur leurs efforts pour éliminer les minerais dits des conflits dans leur chaîne d'approvisionnement, seuls quatre entreprises étaient suffisamment courageuses pour faire face à un audit de la SEC, y compris le fabricant de puces Intel Corp., le fabricant des composants électroniques Kemet Corp., la société de technologie néerlandaise Philips et le détaillant Signet Jewellers Ltd. Environ 80% des entreprises ont déclaré ne pouvoir déterminer si leurs produits étaient sans conflit, selon Schulte Roth. Quelques 22 entreprises ont mal appliqué la règle et ont affirmé que leurs produits étaient «exempts de conflit», sans procéder à une vérification, selon une enquête effectuée par Source Intelligence, une société de conseil en chaîne d’approvisionnement.[7]