L'ex-président burundais Pierre Buyoya, actuel haut représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel, a été condamné lundi par contumace au Burundi à la prison à perpétuité pour l'assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993, selon la décision reçue mardi par l'AFP.
Premier président démocratiquement élu du Burundi et premier hutu à accéder au pouvoir, Melchior Ndadaye a été assassiné en octobre 1993 lors d'un coup d'Etat militaire qui allait entraîner le pays dans une guerre civile opposant l'armée, dominée par la minorité tutsi, à des groupes rebelles hutus. Elle fera 300.000 morts jusqu'en 2006.
M. Ndadaye avait succédé à M. Buyoya, porté par l'armée au pouvoir en 1987 et qui redeviendra président, à la faveur d'un nouveau coup d'Etat, entre 1996 et 2003, avant de remettre le pouvoir à Domitien Ndayizeye, un hutu, en vertu d'un accord de paix signé en 2000 à Arusha (Tanzanie).
M. Buyoya a été condamné pour "attentat contre le chef de l'Etat, attentat contre l’autorité de l'Etat et attentat tendant à porter le massacre et dévastation", selon le texte qui ne comporte que le dispositif (déclaration de culpabilité et peine) de la décision rendue par la Cour suprême.
Le nom de Pierre Buyoya avait déjà été cité en lien avec cet assassinat, sans que le début d'une preuve soit apporté.
Dix-huit hauts responsables militaires et civils proches de l'ancien chef de l'Etat ont été condamnés à la même peine, trois autres à 20 ans de prison pour "complicité" des mêmes crimes et un seul, l'ancien Premier ministre de transition, Antoine Nduwayo, a été acquitté.
Seuls cinq accusés, quatre hauts gradés tutsis à la retraite et un général de police en activité, Ildephonse Mushwabure, étaient présents au procès.
Les autres, dont M. Buyoya, tous à l'étranger, étaient visés depuis novembre 2018 par un mandat d'arrêt international émis par le Burundi après l'arrestation des quatre ex-hauts gradés tutsis, accusés de figurer parmi les "auteurs" de l'assassinat de M. Ndadaye.
Le verdict a été rendu lundi en l'absence des accusés et de leurs avocats, qui n'avaient pas été prévenus, a expliqué à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, l'un des condamnés qui a dénoncé "un procès inique et du théâtre".
Aucun responsable burundais n'a souhaité réagir mardi.
En 1998, une dizaine de militaires, dont le plus haut gradé était lieutenant, avaient été condamnés dans un procès considéré comme celui "des exécutants" de l'assassinat de M. Ndadaye, durant lequel aucun haut gradé n'avait été poursuivi.
- Dans
- 29 décembre 2020
- 818 Vues
L’ancien président du Burundi Pierre Buyoya, décédé le 18 décembre à Paris du Covid-19 à l’âge de 71 ans, a été enterré mardi à Bamako, loin de son pays natal qui l’avait condamné en octobre par contumace à la perpétuité, a constaté un correspondant de l’AFP. M. Buyoya, qui résidait depuis huit ans à Bamako, était le Haut représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel depuis 2012, jusqu’à ce qu’il démissionne en novembre dernier pour « laver son honneur » après sa condamnation au Burundi pour l’assassinat en 1993 du président Melchior Ndadaye.
Une messe de funérailles a été célébrée mardi matin à la cathédrale du Sacré-Coeur par le cardinal et archevêque de Bamako, Jean Zerbo, devant une centaine de personnes, dont l’épouse et les trois enfants de l’ex-président et des représentants de l’Etat malien, de l’Union africaine et de l’Union européenne.
« Des parents, amis et ex-collaborateurs sont venus du Burundi, mais pas une délégation officielle du gouvernement », a confié à l’AFP Pascal, un proche de la famille.
Selon un haut cadre du gouvernement burundais, la présidence du Burundi avait informé la famille que « comme tout citoyen burundais », M. Buyoya avait « le droit d’être enterré chez lui », mais qu’il « ne bénéficierait pas des honneurs » dus à un ancien chef de l’Etat « à cause de sa condamnation ».
Le cercueil, recouvert d’un drap mortuaire blanc, d’un ruban aux couleurs du Burundi et d’un bouquet de roses blanches, a ensuite été emmené jusqu’au cimetière catholique de Bamako, où M. Buyoya a été inhumé en début d’après-midi.
Buyoya a été condamné en octobre dernier par contumace au Burundi, avec une vingtaine d’anciens hauts responsables civils et militaires qui lui étaient proches, pour l’assassinat en 1993 de M. Vanadate, premier président démocratiquement élu –trois mois auparavant– du Burundiet premier Hutu à accéder au pouvoir.
Buyoya avait dénoncé « un procès politique mené de manière scandaleuse » et orchestré selon lui par le pouvoir en place.
Militaire de carrière, M. Buyoya, un Tutsi, a présidé deux fois le Burundi (1987-1993 et 1996-2003), accédant à chaque fois au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat militaire.
Son premier mandat a été marqué par l’ouverture de l’espace démocratique au Burundi, qui a débouché sur l’élection de M. Ndadaye, dont l’assassinat allait plonger le pays dans une guerre civile qui fera 300.000 morts, opposant l’armée dominée par la minorité tutsi à des groupes rebelles hutu.
Durant son second mandat, M. Buyoya a signé en 2000 les accords d’Arusha ouvrant la voie à la fin de la guerre civile en 2003, date à laquelle il quitte le pouvoir conformément à ces accords.
Le Burundi est dirigé depuis 2005 par le CNDD-FDD, parti issu de l’ancienne principale rébellion hutu, accusé de réprimer toute voix dissidente depuis une nouvelle crise politique dans laquelle le pays a plongé en 2015.