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29 mars 2021 1 29 /03 /mars /2021 10:31
Le Carnet de Colette Breackman, Le Soir, BruXelles

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Washington s’inquiète désormais de l’implantation de l’Etat islamique en RD Congo et au Mozambique

La jeune journaliste Giséle Kaj travaillant à Goma pour radio Okapi, la radio des Nations unies, avait peut-être parlé trop vite lorsque, s’interrogeant sur les violences qui dévastent la région de l’Ituri et plus particulièrement la ville de Beni, elle avait mis en cause la mouvante islamiste, la rendant en grande partie responsable des tueries qui, depuis 2017 ont fait plus de 2300 morts dont 1300 civils et provoqué le déplacement de 670.000 personnes. Par mesure de sécurité, au vu des menaces de mort qui pesaient sur elle, la journaliste fut rappelée à Kinshasa par ses supérieurs et vertement tancée parce qu’elle avait relevé le rôle parfois ambigu de la force des Nations Unies et s’était permis de critiquer le Groupe d’études sur le Congo, think thank attitré de la région.
Cette fois, la questions de la journaliste sont relayées par un rapport de taille, très documenté, produit par le « programme sur l’extrémisme » de l’Université George Washington. (1)Il assure que, dans les efforts déployés par l’Etat islamique pour se développer à l’échelle mondiale, le mouvement venu d’Ouganda, initialement connu comme ADF Nalu (Allied democratic forces ) aurait fusionné avec l’EI pour devenir sa branche dans la province de l’Afrique centrale (ISCAP) en République démocratique du Congo. Ce rapport, pris très au sérieux par la nouvelle administration américaine, établit que si l’Etat islamique perd du terrain en Syrie et en Irak, en revanche il se déploie désormais en Afrique centrale et plus particulièrement dans l’est du Congo d’où il se trouve en relation avec d’autres foyers de tension, au Kénya et surtout au Mozambique, où les violences se multiplient dans la province de Cabo Delgado au nord du pays.
Compte tenu de ce rapport corroborant d’autres informations, l’administration américaine aurait placé la RDC et le Mozambique sur la liste des Etats menacés par Daesh. C’est en 2018 que l’EI en perte de vitesse en Syrie et en Irak, aurait commencé à se restructurer, reconnaissant des groupes armés qui jusque là s’étaient vus refuser ce statut de « provinces ». La rationalisation a réduit à quatre les 28 provinces qui divisaient la Syrie, l’Irak, le Yemen et la Libye mai en revanche des groupes, à travers l’Asie (aux Philippines, en Indonésie) en en Afrique (en RDC et en Somalie) ont été élevés au rang de « provinces » formelles, avec des limites territoriales beaucoup plus larges. Même s’il existe peu de preuves établissant un contrôle direct par le commandement de l’Etat islamique, des liens existent cependant au niveau de la propagande, des finances et du serment d’allégeance à une cause commune.
Si l’allégeance des ADF à Daesh représente un changement de nature des groupes rebelles, la présence de ces derniers dans la région remonte cependant à bien plus longtemps. Le journaliste congolais Nicaise Kibel Bel’Oka, qui enquête depuis longtemps sur le sujet (2) relève que les groupes dits ADF Nalu sont présents dans l’Ituri depuis plus de deux décennies. C’est à l’occasion de la première guerre du Congo (1997-1998) menée aux côtés du Rwanda, que le président ougandais Museveni avait eu l’idée de rassembler au Congo tous les mouvements armés ougandais opposés à son régime afin de pouvoir entamer un dialogue avec eux. S’étaient ainsi retrouvés, dans la région de l’ituri, des anciens compagnons d’Idi Amin Dada, des Soudanais du Sud ayant quitté John Garang, des déserteurs de l’armée soudanaise, tous étant musulmans. Ces groupes s’installèrent au pied du Mont Ruwenzori dans la région de Beni et aussi dans la partie nord du parc des Virunga, qu’ils appelèrent Mayangose.
Au fil des années, ces groupes nouèrent dans la région des alliances familiales ou des relations d’affaires. Ils financèrent la construction de mosquées, les activités des taxi motos, le commerce du bois et du café (acheminé en grandes quantités vers l’Ouganda), se lancèrent dans le négoce de l’or, vendu à la famille Goetz d’origine anversoise, qui a construit en Ouganda la plus grande raffinerie d’Afrique. Ayant trouvé des complices au sein de la population, parmi les hommes d’affaires et les hommes politiques locaux, parmi les chefs coutumiers sinon au sein même de certains contingents musulmans de la Monusco, les ADF se sont révélés extrêmement difficiles à éradiquer. Ils donnent du fil à retordre aux forces armées congolaises elles aussi minées par des informateurs et régulièrement trahies. Voici quelques semaines, l’auditeur général Munkuto qui avait mené un procès public contre les islamistes est décédé subitement en Afrique du Sud au retour d’un voyage aux Etats Unis tandis que le major magistrat qui enquêtait à Rutshuru sur la mort de l’ambassadeur italien Luca Attanasio était assassiné.
A chaque offensive de l’armée congolais, les ADF pont pu se réorganiser grâce à leurs réseaux financiers et la « taxation » des communautés environnantes. Le rapport de l’Université George Washington relève aussi que les ADF travaillent avec des collaborateurs congolais, entre autres dans les plantations de l’Ituri.
D’après le rapport américain, l’insertion des ADF dans le mouvement plus large qu’est l’Etat islamique, leur a donné une visibilité « mondiale » mais dès 2014, les attaques de l’armée congolaise ont également brisé le modus vivendi et les représailles contre les civils sont devenus monnaie courante, de même que les enlèvements. Dès octobre 2019, le président Tshisekedi, soutenu par les Etats Unis ayant manifesté l’intention d’ « exterminer définitivement » ces groupes, la violence punitive contre les civils a redoublé, d’autant plus que les combattants ADF bénéficieraient désormais d’apports financiers et seraient soutenus par des combattants internationaux…
L’indice d’une inquiétude croissante est le fait qu’en février dernier une délégation américaine composée d’Andrew Young, du contre amiral Heidi Berg et de l’adjoint au commandant militaire pour l’Afrique se soit rendue à Kinshasa, ce qui devrait achever de convaincre les sceptiques.

(1) Program on extremism, the George Washington University, l’Etat islamique au RD Congo, mars 2021
(2) Nicaise Bel Bel’Oga, l’avènement du jihad en RD Congo, éditions Scribe

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