Félix Tshisekedi se cherche une stratégie diplomatique
Le président congolais peine à mobiliser ses soutiens, qui s'effritent et semblent ne plus croire en sa capacité de reprendre le contrôle de la situation.
Il s'est tourné, en vain, vers l'Angola et mise sur la SADC comme dernier bloc régional en mesure de faire pression sur le Rwanda.
Conscient de jouer sa survie politique dans la crise qui l'oppose au Rwanda et au M23, Félix Tshisekedi, en quête de soutien, compte ses alliés.
Le président congolais, de plus en plus isolé sur la scène régionale, s'est tourné vers le puissant voisin angolais. Le 29 janvier, en début d'après-midi, il est cependant reparti amer de sa visite éclair à Luanda, où il était arrivé avec plus de deux heures de retard, ce qui a agacé son hôte.
Au cours de l'entretien avec son homologue João Lourenço, Félix Tshisekedi a tenté de démontrer la volonté du président rwandais Paul Kagame de le renverser et de fragiliser, par le même coup, l'Angola sur la scène diplomatique.
Sans toutefois parvenir à convaincre le chef de l'État angolais d'intervenir en sa faveur et de l'aider sur le plan politique et militaire.
Bien que préoccupé par l'action rwandaise et la prise de Goma par le M23 qui oeuvre à étendre son territoire au Sud-Kivu, João Lourenço, comme la plupart de ses homologues de la région, attribue une part de responsabilité au système Tshisekedi, considéré comme faible et inefficace tant sur le plan politique que diplomatique et militaire.
L'Angola qui s'apprête à prendre la présidence tournante de l' Union africaine (UA), s'est particulièrement investi dans cette crise comme médiateur, sans parvenir à arracher un accord de paix (AI du 03/09/24).Silence coupable
À son retour à Kinshasa, Félix Tshisekedi a adressé dans la soirée un discours à la nation, dans lequel il a dénoncé le silence coupable de la communauté internationale face à l'agression rwandaise.
Ses partenaires, en réalité, ont été pris de court par l'offensive de Goma, qu'ils n'avaient pas anticipée. Chaque acteur cherche désormais à gagner du temps pour évaluer la situation, jugée particulièrement volatile et incertaine, tout en misant sur l'intercession des organisations régionales.
C'est le cas en particulier de la Southern African Development Community (SADC) qui cherche à peser sur le conflit. L'organisation, qui tient un sommet des chefs d'État et de gouvernement dans l'après-midi de ce vendredi 31 janvier au Zimbabwe, est la seule en qui Félix Tshisekedi place son espoir pour faire pression sur Kigali.
La présidence congolaise se montre à l'inverse beaucoup plus hostile à l'égard de l' East African Community (EAC), qui tente de replacer le processus de Nairobi au coeur du jeu, tout comme l'Angola.
La cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, s'est dite disposée à intégrer le M23 aux groupes armés concernés par ce processus, une annonce néanmoins tardive.
Le mouvement rebelle, désormais en position de force quant à d'éventuelles négociations, exige un dialogue direct avec Kinshasa.
Avec l'EAC, Kinshasa entretient des relations tendues après avoir, en décembre 2023, mis un terme à la présence de sa force régionale opérant au Nord-Kivu, qu'il avait initialement demandée.Il mise plutôt sur la SADC, et en particulier sur l'Afrique du Sud, dont le président, Cyril Ramaphosa, semble déterminé à peser sur la situation, quitte à mettre en péril sa relation, traditionnellement tendue, avec le Rwanda de Paul Kagame, qui s'est, de plus, dégradée ces derniers jours.
Enlisement et télescopage
En outre, la cheffe de la diplomatie congolaise est prochainement attendue à Bruxelles. Dans les institutions européennes, l'appel à des sanctions contre Kigali peine à être suivi d'effet. Au sein des instances de l' Union européenne (UE), la Belgique est le seul pays à avoir clairement requis des mesures concrètes contre le Rwanda.
Bukavu, prochaine cible du M23
En attendant, les communiqués condamnant la prise de Goma ne semblent pas avoir de prise sur Kigali, qui a mobilisé plusieurs milliers d'hommes dans son offensive aux côtés des rebelles. Plus encore, la RDF entend pousser son avantage.
Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), qui avaient concentré l'essentiel de leurs troupes et de leur équipement à Goma, notamment au niveau de l'aéroport, n'ont plus qu'une seule ligne de défense au Sud-Kivu : l'aérodrome militaire de Kavumu, à quelques dizaines de kilomètres de Bukavu.
Au-delà de la capitale provinciale du Sud-Kivu, la RDF et les troupes du M23 pourraient se projeter jusqu'à la ville d'Uvira, sur les rives du lac Tanganyika. Si elle se confirmait, cette stratégie placerait l'armée rwandaise et les rebelles en plein coeur de la zone d'influence du Burundi.
Comptant parmi les derniers alliés de Kinshasa, Gitega a déployé dans la guerre contre le M23 son armée dans le Nord-Kivu tout en combattant dans le Sud-Kivu les rebelles des RED-Tabara.
Cette situation menace de placer le président Évariste Ndayishimiye face à un dilemme : reculer devant la puissance de feu de l'adversaire ou affronter le M23 et la RDF, avec le risque de déclencher une guerre avec Kigali.