Le Carnet de Colette Braeckman, 25.02.2013
http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2013/02/25/divisions-meurtrieres-au-sein-des-rebelles-congolais-du-m23/
Au lendemain de l’adoption d’un plan de paix global pour l’Est du Congo, proposé par les Nations unies à Addis Abeba et ratifié par les chefs d’Etat de la région dont les présidents Joseph
Kabila et Paul Kagame, des affrontements qui ont éclaté au sein du mouvement rebelle M23 se sont soldés par une vingtaine de morts. Les heurts ont opposé deux factions : l’une dirigée par le
chef militaire, le colonel Sultani Makenga (un proche de Laurent Nkunda) et l’autre par le porte parole politique Jean-Marie Runiga. Ce dernier serait soutenu par le général Bosco Ntaganda, qui
fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
L’accord-cadre onusien divise profondément les rebelles. Depuis longtemps, le colonel Sultani Makenga, qui dirige les opérations militaires, avait fait savoir qu’il était prêt, en cas d’accord
au plus haut niveau, à rentrer dans le rang et à cesser les hostilités. Par contre, le pasteur Jean-marie Runiga s’était investi dans les négociations politiques de Kampala qui, durant deux
mois, avaient, sans résultat, mis face à face à face une délégation du mouvement rebelle et des représentants de Kinshasa. En Ouganda, les porte parole politiques des rebelles avaient dépassé
de loin les revendications initiales du mouvement, d’ordre purement militaire, et ils avaient récupéré plusieurs thèmes de l’opposition politique congolaise (contestation des élections,
assassinat de Floribert Chebeya…) allant même jusqu’à réclamer un changement de régime. L’accord d’Addis Abeba a rendues caduques ces revendications maximalistes (même si certains points de
gouvernance mériteraient d’être examinés dans un autre contexte…)et court circuité certaines ambitions politiques…
Même si le M23 campe toujours aux portes de Goma, ces divisions affaiblissent considérablement le mouvement et une médiation rwandaise n’aurait donné aucun résultat.
Runiga s’étant réfugié sur la ville fontière de Bunagana, de nombreux déplacés ont fui en direction de l’Ouganda. Quant à l’armée gouvernementale, elle a renforcé ses effectifs et affecté dans
d’autres régions du pays certains de ses officiers originaires du Nord Kivu
CatégorieNon classé
L’accord de paix global signé à Addis Abeba par onze chefs d’Etat africains, qui, à la fois recommande une réforme de l’armée congolaise et dissuade les voisins du Congo d’encore y soutenir
des mouvements armés a déjà entraîné une première conséquence : le mouvement rebelle M23, qui s’était emparé de Goma le 20 novembre dernier, et ne peut plus compter sur d’actifs soutiens
venus de l’autre côté de la frontière, semble être sur le point d’imploser. Deux tendances se font face : l’une, menée par le colonel Sultani Makenga, un proche du général Laurent Nkunda
toujours retenu au Rwanda, qui était entré en rébellion pour des raisons essentiellement militaires, et l’autre incarnée par le « Bishop » Jean-Marie Runiga et le porte parole du mouvement
François Rucogoza, deux personnalités civiles qui avaient mené les négociations de Kampala dans l’espoir, aussi, d’y gagner un meilleur positionnement sur la scène politique. Le général Bosco
Ntaganda, toujours visé par un mandat d’arrêt international, serait de leur côté. Il est évident que les trois personnalités précitées ainsi que leurs alliés ont beaucoup à perdre d’un accord
global et de l’épuisement de leurs soutiens dans la région : l’étau pourrait se resserrer autour de Bosco Ntaganda, -les Américains ayant même promis 5 millions de dollars à qui pourrait le
présenter à la justice- tandis que les négociateurs politiques, qui avaient fait monter les enchères à Kampala et réclamaient même le départ de Kabila, devraient revoir à la baisse leurs
ambitions sinon rentrer dans le rang.
Lors de la prise de Goma déjà des divergences étaient apparues : Makenga et les siens, sensibles à la pression internationale, avaient accepté d’évacuer la ville, non sans s’emparer d’un
butin considérable, une évacuation que refusait Runiga, qui craignait de perdre là sa meilleure carte.
Actuellement, le colonel Sultani Makenga (qui n’est pas visé par la justice internationale) assure qu’il soutient l’accord de paix global d’Addis Abeba et serait prêt à rentrer dans le rang.
Une position qui n’est pas partagée par ses alliés d’hier, toujours soucieux de positionnement politique ou financier.
A terme, cette implosion du M23 ne peut qu’être saluée par Kinshasa, même si plus de vingt morts ont déjà été enregistrés du côté de Rutshuru. Mais dans l’immédiat, des affrontements entre
factions peuvent s’avérer doublement dangereux : non seulement l’instabilité s’accroît et les civils sont mis en danger mais le vide qui apparaîtrait dans les régions hier contrôlées par les
factions rebelles tutsies pourrait être rapidement comblé par des groupes armés hutus, membres des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), que Kigali accuse régulièrement de
collaborer avec les forces gouvernementales. Du point de vue des populations civiles, la peste serait remplacée par le choléra…