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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 08:33

18 janvier 2021

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La fête est bien finie : au lendemain du 30 juin, le général Janssens, commandant en chef de la Force Publique, écrit sur un tableau noir : « avant l’indépendance =après l’indépendance ».
Soldats et officiers se rebellent. Joseph Désiré Mobutu est nommé colonel et chef d’Etat major. Le Premier ministre Lumumba décide l’africanisation de l’armée mais dès le 8 juillet des rumeurs de viol d’Européennes provoquent un exode massif vers la Belgique. Le 9 juillet, le gouvernement belge décide d’intervenir au Congo et le 11, la province du cuivre déclare son indépendance. Considérant l’intervention belge comme une agression extérieure, les dirigeants congolais demandent à l’ONU d’agir en urgence. Le 9 août, le Kasaï d’Albert Kalonji se proclame indépendant.
Désireux de plaider sa cause à New York et Washington, le Premier Ministre Lumumba se rend aux Etats Unis et la presse belge se déchaîne. Marcel De Corte, professeur de philosophie morale, réclame « un geste viril qui délivrera la planète de son culot sanglant » et le même journal bruxellois commente : « à Blair House, une vieille dame s’occupe des hôtes. Elle est blanche. Pourvu que rien ne lui arrive. » Lumumba rentre bredouille, en ces temps de guerre froide, il n’a pas convaincu.
En août, des Casques bleus interviennent au Katanga, Lumumba proteste, Andrew Cordier, l’adjoint de Hammarsköld le secrétaire général de l’ONU assure que « si N’Krumah, le président du Ghana est le petit Mussolini de l’Afrique, Lumumba est son petit Hitler » et il prône un changement à la tête du gouvernement. Des tracts (payés par les Belges) sont distribués dans la cité de Léopolville : « Lumumba va vendre vos femmes à la Russie ».
Le 5 septembre le président Kasa-Vubu démet son Premier Ministre, Lumumba réplique en faisant de même et la Chambre comme le Sénat, à la suite d‘un discours de Lumumba , rejettent la décision de Kasa-Vubu. L’Opération Barracuda visant à éliminer Lumumba démarre avec difficulté et depuis Brazzaville, Etienne Davignon collaborateur du ministre des Affaires étrangères Wigny constate que l’homme n’est pas encore hors d’état de nuire
Alors que Bruxelles a débloqué 20 millions de FB pour payer les soldes des militaires congolais, le 14 septembre le colonel Mobutu annonce qu’il met les politiciens en congé. Il les remplace par un « collège des commissaires », de jeunes intellectuels déjà repérés lors de la Table ronde, comme Justin Bomboko, Albert Ndele, Marcel Lihau, Etienne Tshisekedi qui deviendra Ministre de la Justice et signera l’ordre d’arrêter Lumumba. Puisqu’il s’agît d’empêcher Lumumba de tenir des meetings devant des foules enthousiastes, le 9 octobre le colonel Mobutu décide de faire encercler son domicile. Un double codon se déploie, des soldats congolais et des casques bleus. Privé de téléphone et de contacts, le Premier ministre est exilé dans son propre pays. Pendant ce temps le Katanga sécessionniste peine à s’imposer. Il est considéré comme le vassal des Belges, d’autant plus qu’un « bureau conseil » composé de Belges assiste le nouveau président Moïse Tshombe. Entretemps le comte d’Aspremont Lynden, proche du Palais, est devenu ministre des affaires africaines et il donne des ordres aux Belges dépêchés au Katanga : « éliminer définitivement Lumumba, le mettre hors d’état de nuire ». Lawrence Devlin, ami de Mobutu et chef d’antenne de la CIA à Kinshasa partage cet avis et un certain Gottlieb, employé par l’agence, échoue à déposer du poison sur le dentifrice du détenu. Le 27 novembre, profitant d’une pluie battante, Lumumba réussit à s‘échapper, dissimulé dans la voiture qui ramène ses domestiques. Il espère gagner Stanleyville et presque sans se cacher, revendiquant sa légitimité, il atteint Kikwit. Tout au long de la route, les villageois le reconnaissent, l’acclament. Il ne résiste pas à la tentation de tenir des meetings et cela alors qu’un avion de la CIA survole la zone. A Lodi, sur la rive gauche de la rivière Sankuru, le convoi est sur le point d’être rattrapé par les militaires congolais. Lumumba et quelques ministres dont Pierre Mulele et Mathias Kamishanga traversent en pirogue. Lumumba s’aperçoit qu’il a laissé sur la berge son épouse Pauline et son petit garçon Roland et il décide de faire demi tour pour aller les chercher. Il est alors capturé, des casques bleus arrivés sur les lieux ayant refusé de le prendre sous leur protection.
Ramené à Kinshasa, l’ex Premier Ministre est frappé et bousculé et Mobutu son ancien ami regarde la scène sans intervenir. Le 3 décembre, le visage marqué par les coups, Lumumba est transféré au camp Hardy, à Thysville. Mal traité, mal nourri, portant les mêmes vêtements depuis 35 jours, il proteste auprès de l’ONU qui le garde et le surveille. Il parle aussi aux militaires de l’ANC, ses gardiens et la Sûreté belge s’en inquiète car elle connaît ses capacités de conviction. Le 4 janvier, Bruxelles envoie à Léopoldville un télégramme pressant : il faut trouver une solution « solide » au problème Lumumba. De fait, la situation n’est pas sous contrôle au Katanga. Les Baluba du Kasaï se révoltent, les forces nationalistes se réorganisent. Détenu dans des conditions sévères, Lumumba n’est pas encore vaincu. L’idée de transférer le détenu au Katanga, où se trouvent ses pires ennemis, gagne du terrain.
Jacques Brassinne, qui se trouve alors à Elizabethville comme membre du « Bureau- Conseil » nous confirme que « les Belges qui assistent MoÏse Tshombe ne sont pas favorables à l’idée de voir arriver ce « colis », pour le moins encombrant ». Cependant, lorsqu’une rébellion militaire éclate à Thysville, Lumumba en est tenu pour responsable et la décision s’impose : c’est bien au Katanga qu’il faut l’envoyer. Même si on se rappelle l’avertissement de Godefroid Munongo, descendant de l’empereur M’Siri et ministre de l’intérieur de Tshombe : « s’il met les pieds dans notre province c’est un homme mort. »
« Demande au Juif d’accueillir Satan »
Le 14 janvier, le colonel Marlière, conseiller de Mobutu, envoie un message codé à Elisabethville via Brazza : «demande au Juif (Moïse Tshombe) d’ accueillir Satan (Lumumba) ».A Bruxelles, le ministre des affaires africaines Harold d’Aspremont Lynden n’a pas d’états d’âme : il souhaite une « élimination définitive » et le 16 janvier il ordonne le transfert du captif.
Deux autres Congolais embarquent en même temps que Lumumba, l’ex ministre des Sports Maurice Mpolo, 32 ans, et Joseph Okito, 59 ans, ancien vice président du Sénat tombés entre les mains des soldats de Mobutu.
Durant tout le vol, les prisonniers subissent de graves sévices : coups dans le ventre, barbe et touffes de cheveux arrachés. Dérangé par le vacarme, l’équipage belge s’inquiète pour la stabilité de l’avion et finalement décide de verrouiller le cockpit pour ne plus entendre les cris.

Jacques Brassine, aux côtés d’autres « Katangaleux » (Belges du Katanga) voit débarquer les détenus : « visiblement ils ont été maltraités mais ne sont pas mourants et sont emmenés à la Maison Brouwez, non loin de l’aéroport. Des officiels katangais, Moïse Tshombe, Munongo, Kibwe rendent visite aux prisonniers. A 21 heures, alors que Lumumba gémit mais se tient encore faiblement debout les trois hommes, qui frissonnent de froid plus que de peur, sont emmenés en direction de Jadotville (Likasi) et à Tshilatembo, un camion éclaire la brousse. »
En moins de quinze minutes tout est terminé : deux officiers belges, Julien Gat, (officier d’artillerie qui changera son nom en Gatry et sera envoyé en Allemagne par sa hiérarchie belge afin que l’on perde sa trace) et le commissaire de police Verscheure ont donné l’ordre d’ouvrir le feu, les soldats katangais ont tiré et les trois corps tombent immédiatement dans une fosse déjà creusée.
Jacques Brassinne se souvient que quelques heures plus tard on apprend à Elizabethville que des « charbonniers » ( qui produisent du charbon de bois) sont passés par la clairière. Craignant qu’ils donnent l’alerte, que le lieu attire des curieux sinon plus tard des pélerinages, l’ordre est donné de faire disparaître les corps. L’inspecteur de police Gérard Soete et son frère prennent les choses en mains. A l’arrière du camion, ils ont embarqué une scie électrique et une cuve d’acide, sans doute fournie par l’Union minière, leur intention étant de dissoudre les corps. Soete, en 2000, confiera à l’AFP qu’ « en pleine nuit africaine nous avons commencé par nous saouler pour nous donner du courage. On a écartelé les corps, le plus dur fut de les découper avant de verser l’acide. » Soete était un grand sentimental : après chaque découpe, il buvait une lampée de whisky pour se donner du courage
L’opération terminée, alors que les corps découpés se dissolvaient dans l’acide, Soete ne résista pas au désir d’emmener un trophée : deux dents arrachées à Patrice Lumumba. L’une d’elles a été perdue, l’autre est toujours en possession des autorités belges.
Une dent, c’est tout ce qui reste du héros de l’indépendance congolaise. Cependant, répondant aux vœux de la famille Lumumba, la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès a promis de rapatrier solennellement les restes de Lumumba au Congo.
La commission d’enquête parlementaire belge a conclu en 2001 que « certains membres du gouvernement belge et d’autres acteurs belges avaient une responsabilité morale dans les circonstances qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. »
A l’issue des travaux de la commission parlementaire, Louis Michel avait obtenu qu’un dédommagement soit versé à la famille Lumumba et qu’une fondation soit créée et l’avocat Bernard Remiche s’employa jusqu’à la fin de sa vie à obtenir que cette promesse soit remplie. A Bruxelles, le Parquet a rouvert l’enquête pour crime de guerre. Donc imprescriptible.

Sources bibliographiques :
Ludo De Witte, l’assassinat de Lumumba, Editions Karthala
Jacques Brassinne de la Buissière, Jean Kestergat « Qui a tué Lumumba ? Document Duculot, La sécession du Katanga, témoignage (juillet 1960-janvier 1963) éditions Peter Lang
Karine Ramondy, leaders assassinés en Afrique centrale, 1958-1961, éditions l’Harmattan
Rapport de la Commission d’enquête parlementaire belge, 1999-2000
Colette Braeckman, Lumumba, un crime d’Etat, éditions Aden, 2009

15 janvier 2021

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Voici 60 ans, Patrice Lumumba était fusillé dans une clairière du Katanga. L’opération se voulait discrète, il fallut longtemps pour que la vérité s’impose. Aujourd’hui, en Belgique comme au Congo, le passé s’est rapproché, mais notre ancienne colonie ne s’est jamais remise de ce « crime fondateur » qui a été rendu possible par la corruption des élites.
En comparaison avec leurs compatriotes, les premiers Congolais arrivés en Belgique dès l’Expo 58 pour y poursuivre leurs études étaient plutôt des privilégiés. Mais à Léopoldville, à l’aune des colons belges, ils étaient pauvres et les avantages dévolus aux « évolués » leur étaient chichement mesurés. Comment les plus politiques d’entre eux, envoyés à Bruxelles en janvier 1960 pour participer à la Table ronde n’auraient ils pas été éblouis ? On les courtisait, on les flattait et le soir ils allaient danser au rythme de « Indépendance Cha Cha… ».Après le départ de Lumumba fin février s’ouvrit la Table ronde économique. Les dirigeants des grandes sociétés coloniales hantaient les couloirs et choisissaient leur interlocuteur, celui qu’ils appelaient en souriant « leur nègre ». Les partis politiques, avec des sociologues en éclaireurs, firent de même. Seul Lumumba n’était pas malléable. A l’époque, les allégeances et les fidélités se monnayaient sans trop de peine. Un costume neuf, une Chrysler noire pour les futurs ministres, cela pouvait suffire. Les Belges dépensaient sans beaucoup compter : des fonds secrets leur avaient été alloués pour séduire de futurs alliés congolais, le seul espoir étant qu’un jour soit désavoué l’incontrôlable Lumumba.
C’est là, -comme dans d’autres pays à la veille de l’indépendance- que se noua l’alliance maudite, celle de la politique et de l’argent. « La mouche phoride avait pondu ses œufs » assure le politologue Jean Omasombo. Autrement dit, le ver de la corruption des élites avait été introduit dans le fruit ; la politique allait devenir un moyen d’enrichissement rapide, et pour les étrangers, d’abord les Belges et puis les autres, l’argent allait devenir le ciment de bien des amitiés et complicités…
Avant l’indépendance déjà le jeune Mobutu avait tout compris et dès sa prise de pouvoir, il allait se révéler un incomparable maître du jeu, à la fois ami et adversaire des Belges, avançant soigneusement ses pions sur l’échiquier de la guerre froide, de la concurrence entre Belges et Français, des susceptibilités américaines face au communisme. Il utilisa l’argent comme un moyen de sa politique, comme la garantie de sa longévité… Très tôt, l’élève avait devancé le maître…
A ce jeu de l’argent et de la politique, les Belges font désormais figure d’enfants de chœur, de donneurs de leçons… Les enfants des pupilles de jadis jouent dans la cour des Grands : Joseph Kabila mettait en concurrence Chinois et Américains et Félix Tshisekedi récupère la majorité de son prédécesseur à coup de millions. Les chiffres donnent le tournis : le nouveau « bureau d’âge » de l’Assemblée (le plus vieux et le plus jeune…) dispose de 12 millions de dollars pour emporter les consciences des « transhumants » qui font la « traversée »… Même la lutte contre la corruption, mantra du régime, s’avère à géométrie variable, à l’aune de l’allégeance politique. Et pendant ce temps, les militaires, dans l’Ituri ou au Nord Kivu gagnent, -quand ils sont payés-, 40 dollars par mois pour combattre dans la boue. Lumumba, où es tu ?

15 janvier 2021

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Le point de vue de Pitcho Somba Konga

Rappeur en Belgique, comment vous est venu cet intérêt pour Patrice Lumumba que vous évoquez souvent dans vos compositions ?

Tout d’abord pour des raisons familiales : dans ma famille, celle de Lambert Mende Omalanga, on était lumumbiste de la première heure, donc on parlait de Lumumba et cela donnait aux enfants l’envie d’en savoir plus, de fouiller dans les malles de souvenirs de nos parents. Mais il faut savoir aussi que le personnage de Patrice Lumumba a été fortement popularisé par les rappeurs américains puis français comme Youssoufa. Dans toute cette vague de musique engagée, on évoquait Lumumba, sur le même pied que des Afro Américains comme Malcolm X , Martin Luther King… Les héros de la lutte contre la discrimination raciale aux Etats Unis et les figures de proue des luttes pour l’indépendance en Afrique comme Kwame N’Krumah au Ghana ou Nelson Mandela se trouvaient réunis dans les mêmes créations artistiques. Cette tendance était surtout celle d’artistes indépendants, qui avaient créé leur propres labels et ne passaient pas par les grandes maisons. Par la suite, lorsque le rap est devenu plus « pop » le message a perdu du terrain, et Lumumba, avec son côté « Antéchrist » a un peu reculé. Mais il est toujours là, dans la littérature, le cinéma, la poésie…

Avez-vous le sentiment qu’il y a regain d’intérêt à son égard parmi les jeunes générations ?
C’est très frappant : ceux que l’on appelle les « Belges nouveaux » c’est-à-dire d’ascendance africaine, veulent absolument savoir ce qui s’est vraiment passé en 1960 Ils ont le sentiment que la Belgique n’accepte pas d’assumer son passé colonial, même si en ce moment la situation est entrain de changer. Les jeunes, qu’ils soient Belges de souche ou d’origine congolaise, désirent en savoir plus sur le passé. Ce pays, la Belgique, ils le considèrent comme le leur et ils veulent connaître son histoire, dans toutes ses facettes. Ils ont le sentiment qu’une grande injustice a été dissimulée et d’une certaine façon, ils veulent ouvrir les placards. Comme dans une famille où on rechercherait les secrets cachés dans les armoires ou les greniers. Il y a eu beaucoup de mensonges, certainement, mais plus encore, il y a eu des non-dits.
Au Congo, cette question du sort de Lumumba ne se pose pas, les gens savent, les jeunes ont appris à l’école ce qui s’est passé. Ici, on regrette que ces évènements qui ont marqué la décolonisation ne figurent pas dans les programmes scolaires. C’est pour cela que les jeunes cherchent d’autres sources d’ information, dans les livres, dans les médias, après des artistes, qui sont aussi des passeurs de mémoire. Le désir existe aussi de voir Lumumba être mieux intégré dans l’espace public en Belgique, je me souviens des débats qui ont précédé la création de la « place Lumumba » Porte de Namur à Bruxelles, ce « bout de trottoir » est devenu un lieu symbolique très important…
Je crois qu’à mesure que les esprits évoluent, le personnage de Lumumba ne va pas diminuer mais grandir… Même si je me rends compte que, pour certains Belges rappeler ce qui s’est passé en 1960 peut –être gênant car cela porte atteinte aux souvenirs familiaux, à l’image du père… L’exercice de mémoire peut être nécessaire, mais il reste toujours difficile…

15 janvier 2021

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1.Qui était Patrice Lumumba ?
Originaire d’un groupe ethnique au centre du Congo, les Tetela, issu d’une famille modeste, obligé de quitter à quinze ans l’école catholique, puis protestante, d’abandonner son village d’Onalua et sa famille, celui qui s’appelait d’abord Isaïe Tasumbu a créé Patrice Lumumba. En 1944 il émigre à Stableyville et, parfait autodidacte, il gravit lentement l’échelle sociale pour accéder au statut d’ « évolué » en tant qu‘agent de la poste jusqu’ en 1956. Ses premières revendications portent sur la considération sociale et les salaires : à fonction égale les Blancs gagnent sept fois plus que les Congolais. Comment ces derniers, au bas de l’échelle sociale, pourraient ils assurer le train de vie qui est requis pour obtenir le statut d’ « évolué » ? En 1955 Lumumba profite du passage du roi Baudouin à Stanleyville pour l’entretenir de ce problème. Les Belges qu’il fréquente sont des libéraux, parfois franc maçons et lorsque Lumumba soutient Auguste Buisseret, ministre des Colonies, qui, en 1956 crée des écoles non confessionnelles au Congo, il se brouille avec l’establishment catholique alors que la guerre scolaire fait rage en métropole. Arrêté en juillet 1956, il est libéré un an plus tard. Il dénonce un acharnement judiciaire et a eu le temps d’écrire « le Congo terre d‘avenir est-il menacé ? ». Il arrive Léopoldville en 1957 et Buisseret le fait engager à la brasserie Bracongo. Vendre la bière Polar aide à le faire connaître dans la cité. Il fonde le Mouvement National Congolais, un parti d’envergure nationale alors que les autres formations, comme l’Abako de Kasa-Vubu sont fondés sur l’appartenance tribale ou régionale. Invité à Accra (Ghana) il prend conscience de la dimension panafricaine du combat à mener et rencontre Kwame N’Krumah. Au retour, le 28 décembre il tient à Léopoldville le premier meeting politique de l’histoire du pays où il déclare que l’indépendance ne sera pas un cadeau mais un droit. Il sera considéré comme à l’origine des émeutes de janvier 59 et mis en prison.
2.Lumumba était il communiste ?
Il ne l’a jamais été : au départ, ses revendications portaient sur les salaires, l’enseignement, l’émancipation des femmes, leur accès à l’éducation. A Léopoldville, il fréquente la petite élite noire qu’il juge bornée et se lie d’amitié avec l’objecteur de conscience Jean Van Lierde, rencontré en Belgique et animateur de Présence africaine. Par rapport à l’Abako de Kasa-Vubu qui exige l’indépendance immédiate, le MNC de Lumumba se veut plus modéré. Cependant, par ses qualités d’orateur, sa gestuelle, son intelligence rapide et surtout sa détermination à acquérir l’indépendance à tout prix, Lumumba se singularise parmi les Congolais et inquiète les Belges. Le parti communiste belge lui propose des avocats dont Me Chômé et Raskin mais il refuse de se laisser embrigader et ne voyagera jamais à Moscou. Son combat c’est l’indépendance du Congo, la dignité de l’homme noir. Mais dans le climat de guerre froide, la plupart des leaders africains nationalistes étaient considérés comme agents de Moscou et le gouvernement belge, pour le discréditer, lui colle l’étiquette de communiste.

3.De quand date sa disgrâce auprès des Belges ?

A Stanleyville déjà, Lumumba a dressé contre lui l’administration provinciale et les milieux catholiques et à Léopoldville les Belges se méfient de cet « évolué » trop brillant et pas obséquieux. Lorsqu’en décembre 59, le roi Baudouin se rend au Congo, la foule, à Stanleyville, crie « vive l’indépendance, vive Lumumba ». A son retour, le roi annonce sa décision d’accorder l’indépendance à la colonie, « sans atermoiements funestes ni précipitation inconsidérée » et le gouvernement décide d’organiser une Table ronde avec des leaders congolais dûment sélectionnés. Toujours prisonnier, Lumumba a été transféré au Katanga. Lorsque s’ouvre la Table ronde, les Congolais, malgré leurs divergences, refusent de siéger aussi longtemps que le leader du MNC n’est pas libéré et ils exigent que soit fixée la date de l’indépendance. Sorti de prison et amené à Bruxelles, rhabillé de pied en cap par l’administration coloniale, Lumumba agite des mains qui portent encore la trace des coups et des menottes. Il est accueilli en triomphateur mais un certain Mobutu observe et grince : « avec cette libération, le détenu a été promu homme d’Etat ». Intransigeant dans les négociations, Lumumba refuse que le roi Baudouin joue encore un rôle après l’indépendance et il mécontente les Belges du Congo qui tiennent à leur position sociale.
D’après le politologue Jean Omasombo, « c’est là que son sort se scelle : le 20 février, à l’issue de la Table ronde, Lumumba regagne le Congo pour préparer les élections. Moïse Tshombe, lui, reste à Bruxelles et un complot se trame contre l’état unitaire. Au ministre des Colonies Auguste De Schryver s’ajoutent Walter Ganshof van der Meersch pour organiser la transition et Raymond Scheyven chargé de l’économie. Jacques Brassinne qui s’occupait de l’intendance se rappelle que « les patrons des grandes sociétés coloniales suivent de près les travaux et me déclarent qu’ils ont déjà choisi leur nègre. »
Depuis Bruxelles, Thomas Kanza prévient Lumumba des trahisons qui se préparent, de jeunes Congolais qui terminent leurs études et vivent dans la pauvreté se voient proposer des avantages matériels. Arthur Doucy, professeur à l’ULB se lie avec Justin Bomboko, la Sûreté belge présente aux Américains un certain Joseph Désiré Mobutu, membre du MNC, ami de Lumumba et informateur depuis longtemps. Lumumba, qui défend un Etat unitaire et centralisé, est considéré comme le sujet à écarter. Moïse Tshombe, au nom du riche Katanga et entouré de conseillers belges plaide en faveur de l’autonomie des provinces. Le 1er mars, à l’issue de la Table ronde, le comte d’Aspremont Lynden (qui deviendra ministre des affaires africaines)a et le professeur Doucy se mettent d’accord pour éliminer Lumumba et une somme de 50 millions de francs belges est libérée à cet effet. Par la suite, des fonds secrets (500 millions de francs belges) seront libérés en faveur des commissaires généraux qui ont remplacé un Lumumba destitué. Omasombo conclut : « au moment de la décolonisation, le ver est déjà dans le fruit, la mouche phoride a pondu ses œufs, ceux de la corruption des élites congolaises ».
4.Patrice Lumumba a-t-il offensé le roi Baudouin le 30 juin 1960?
Patrice Lumumba qui défend l’état unitaire et a remporté les élections à travers tout le pays est nommé Premier Ministre, Joseph Kasa-Vubu, partisan du fédéralisme, devient président. Après que le roi Baudouin ait vanté l’œuvre de Léopold II et de ses successeurs, Kasa-Vubu,dont le discours a été rédigé par un conseiller belge, Jean Cordy, remercie le roi et la Belgique. Il n’est pas prévu que Lumumba prenne la parole mais son ami Jean Van Lierde le pousse : « Patrice tu ne va pas laisser dire cà… »
Le discours qu’il annote encore durant la cérémonie s’adresse d’abord à ses compatriotes. Le Premier Ministre rappelle le travail harassant, les ironies, les coups et les insultes ; il évoque les terres spoliées, la loi qui n’était jamais la même, le tutoiement méprisant…A l’extérieur, les Congolais applaudissent à huit reprises, on jubile dans les cités. Furieux, le roi Baudouin blêmit, veut partir sur le champ, il n’écoute pas le discours dit de « réparation » et d’amitié que Lumumba prononcera dans l’après midi. Les dès sont jetés, Lumumba était déjà l’homme à éliminer, il s’agît désormais de faire vite. Quatre jours plus tard, les troupes se révoltent. C’est l’engrenage.
Le 17 janvier 2001, destitué, prisonnier, torturé, agonisant à la suite des mauvais traitements, Lumumba est fusillé au Katanga. Des soldats congolais ont tiré, l’ordre d’ouvrir le feu a été donné par un officier belge. Bruxelles nie toute implication et dans le monde les manifestations anti belges se multiplient.
5. Le roi Baudouin est-il impliqué dans la mort de Patrice Lumumba ?
Pas directement, même s’il avait fini par abhorrer le personnage qui lui a fait perdre la face. La commission d’enquête parlementaire consacrée à l’assassinat de Lumumba a cependant découvert une lettre adressée le 19 octobre 1960 au secrétaire particulier du roi par le major Weber, depuis Elisabethville. En termes télégraphiques ce dernier écrit «on attend que la situation s’éclaircisse. On neutralise complètement (et si possible physiquement) Lumumba. » Le roi lit et annote soigneusement chaque page de cette missive qui évoque aussi son prochain mariage avec la reine Fabiola. En ce qui concerne le sort de Lumumba, il laisse passer.

15 janvier 2021

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De Patrice Lumumba à Laurent Désiré Kabila
Témoignage de Didier Mumengi, écrivain, (1) dernier ouvrage paru, « La rumba congolaise, histoire et économie », aux éditions l’Harmattan, Ancien porte-parole et ministre de l’information de Laurent Désiré Kabila

Didier Mumengi, au titre de porte parole, fut extrêmement proche de Laurent Désiré Kabila. Il partageait avec lui un engagement lumumbiste, un même amour du Congo, une identique volonté de redresser ce pays. Il a été témoin aussi des campagnes de dénigrement dont fut l’objet cet ancien maquisard parfois reconverti dans les affaires. Il a mesuré les difficultés auxquelles, mal préparé à cette tâche surhumaine, mal entouré parfois et trahi par ceux qui l’avaient porté au pouvoir, ce « chef d’Etat par accident » qu’était Laurent Désiré Kabila a lutté jusqu’à son dernier jour, bien conscient du fait que, ailleurs qu’au Congo, son sort avait été scellé. Comme l’avait été celui de Patrice Lumumba.

A quel titre avez-vous fait partie du premier gouvernement mis sur pied par Laurent Désiré Kabila après son arrivée à Kinshasa en 1997 et ce dernier se réclamait-il de Lumumba ?
Depuis toujours j’appartiens à la famille lumumbiste : mon grand-père, Mathias Kemishanga était un ami personnel de Patrice Lumumba et après la mort de ce dernier, il dut s’exiler à Brazzaville, de 1961 à 1997. Moi-même, je me suis toujours référé à Patrice Lumumba et à dix huit ans, je possédais la carte de son parti, le Mouvement National Congolais. C’est à ce titre, sur le « quota » d’un seul poste attribué au MNC que je me suis retrouvé directeur de cabinet de Madame Juliana Lumumba, au ministère de l’information, dans un gouvernement où les représentants de l’UDPS étaient de loin les plus nombreux. Plus tard, en juin 1998, je devins ministre de l’information et porte-parole du gouvernement.
Les traits communs entre Lumumba et Laurent-Désiré Kabila(LDK) se résument en deux citations. La première remonte au premier meeting de Lumumba à Léopoldville le 29 décembre 1958 : « Nous voulons nous libérer pour collaborer avec la Belgique dans la liberté, l’égalité et la dignité. C’est un droit fondamental, naturel et sacré qu’aucune puissance ne peut nous arracher. Cette collaboration n’est pas possible dans des rapports de sujétion et de subordination ».
La deuxième citation se trouve dans le dernier message de Lumumba enregistré dans la prison de Thysville(aujourd’hui MbanzaNgungu), avant d’être expédié au Katanga, le 8 janvier 1961. Lumumba dit : « Nous savons très bien que l’on ne construit rien de durable dans la haine et la rancune. Et nous devons combattre jusqu’aux racines la haine tribale qui représente un obstacle aux relations entre les hommes et les peuples. Notre programme politique a toujours été le Congo aux Congolais et la gestion du Congo par les Congolais, aidés par les techniciens qui sont disposés à servir le pays et ce, quelle que soit leur nationalité ».
Laurent Désiré Kabila le répétait à souhait : « ces deux messages ont toujours constitué mon catéchisme politique… »
De mon point de vue, trois axiomes forment le point commun entre Patrice Lumumba et Laurent-Désiré Kabila, à savoir: l’indépendance nationale, l’unité et l’autodétermination du peuple congolais, et enfin, le panafricanisme.
L’histoire, elle aussi, rapproche les deux hommes. Il y a d’abord la proximité de la date de leurs assassinats : le 16 janvier pour Kabila, le 17 janvier pour Lumumba. Ensuite, ce sont les difficultés auxquelles ils se sont heurtés dès le début de leur accession à l’exercice du pouvoir d’Etat. À peine Lumumba a-t-il prêté serment comme Premier ministre, le 30 juin 1960, que le 11 juillet 1960, le Katanga décrète la sécession. Un mois plus tard,le 9 août 1960, Albert Kalonji proclame l’Etat indépendant du Kasaï… C’est alors que le Congo amorçe sa descente aux enfers !
Quant à LDK, il accède au pouvoir en mai 1997 et le 2 août 1998,commence la guerre d’agression menée par le Rwanda et l’Ouganda. Le lendemain, Kabila tire la leçon de tous ces évènements et déclare : « il y a comme une sorte de décret mondial qui interdit à l’élite congolaise d’aimer le Congo, d’être patriote et de se dévouer pour le bien-être des Congolais. Seuls les dirigeants congolais qui trahissent leur pays, et qui le livrent aux appétits prédateurs de l’étrangeront droit à la reconnaissance, à l’amitié et à l’assistance des puissances de ce monde. »
IL faut rappeler aussi ce que Laurent Désiré KABILA présentait comme l’héritage spirituel et idéologique de Lumumba à l’élite politique congolaise. Il le résumait par cette évocation de LUMUMBA au cours d’une tournée de pacification du pays menée en juillet 1960 avec le Président Kasa-Vubu. Lumumba avait notamment déclaré : « soyons capables de grandeur à la hauteur de la grandeur du Congo et de ses grands problèmes ».

Amour du Congo, nationalisme, panafricanisme, tels sont les points communs entre les deux hommes.
Du reste,LDK ne s’est pas enrichi. Il est mort pauvre, sans maison sans compte en banque…Je me rappelle que, le 2 janvier 2001, quelques jours avant sa mort, le président avait réuni ses ministres. Posant le montant de son salaire sur la table, il leur déclare : « vous allez vous partager tout ce que j’ai, cet argent, mes économies… » Et il conclut : « je veux partir léger ». Rares étaient ceux qui comprirent ce geste, et il fut assassiné deux semaines plus tard.
Comme Lumumba, malgré son dévouement patriotique, il demeure incompris et a été victime aussi bien d’un dénigrement systématique que d’un lynchage médiatique international sans précédent.
Quel est le bilan « lumumbiste » de Kabila à la tête du Congo ?
Il a réhabilité le drapeau de Lumumba, restauré l’hymne national de 1960 « Debout Congolais », rétabli le nom « Congo » originel, abandonnant le « Zaïre » de Mobutu… Au soir du30 juin 1998, jour de l’introduction du« Franc Congolais »LDK m’avait fait cette confidence : « Ils avaient assassiné Lumumba pour mettre le destin du Congo à l’envers, je l’ai remis à l’endroit. Il ne me reste qu’une chose : réaliser la volonté prématurément interrompue de Lumumba, celle de refaire l’honneur du Congo en faisant le bonheur des Congolais ».
Sur le plan social, il a instauré le Service National par lequel des jeunes de toutes les ethnies étaient brassés, apprenaient les quatre langues du pays et devaient travailler ensemble sur des projets agricoles. Il avait un rêve : enrôler dix millions de jeunes dans le Service National pour réaliser l’autosuffisance alimentaire endéans trois ans.
Laurent Désiré Kabila souhaitait pratiquer la « démocratie participative et directe » et exhortait le peuple à « l’auto-prise en charge à la base ».À cette fin, il créa les « Comités du Pouvoir Populaire », des organisations de base dont les membres se mobilisaient pour résoudre, par leurs propres moyens d’abord, les problèmes qui se posaient dans leur quotidien.
Sur le plan social, il avait intimé un ordre ferme :à la fin de chaque mois, les fonctionnaires de l’Etat, les militaires, les policiers et les enseignants devaient être les premiers à être payés, les ministres en dernier lieu. Le salaire le plus bas étant fixé à 100 dollars par mois, le dernier fonctionnaire recevait donc une somme qui lui permettait de vivre sans recourir à la corruption.

Comment comprendre qu’au début de la guerre de 1996, Kabila ait été soutenu par les Etats-Unis ?
Je me rappelle qu’en mars 98, à l’occasion d’un sommet africain, il avait rencontré en Ouganda le président Bill Clinton. S’adressant à Kabila, ce dernier qui se souvenait de Mobutu, fidèle allié des Etats-Unis du temps de la guerre froide, avait dit « on vous présente comme un leader communiste… Mais comment peut-on encore croire au communisme en 1998» ? Kabila avait répondu : « tout comme Lumumba, je ne suis pas communiste, je suis avant tout un patriote.J’aime le Congo et j’ai décidé de me dévouer pour le bien-vivre des Congolais au péril de ma vie. Je ne supporte pas de voir que l’un des pays les plus riches du monde abrite le peuple le plus pauvre du monde ». Naturellement, les Etats-Unis ne pouvaient pas soutenir la lutte armée d’un leader qu’ils considéraient comme communiste…

De ces deux hommes, qu’est ce qui subsiste dans la conscience populaire ?
Si la vérité de cet homme hors norme se dérobe toujours à l’analyse, bien que chaque 17 janvier le pays communie dans l’hommage au héros national, soixante ans après sa mort, Lumumba demeure dans la conscience populaire la figure symbolique de l’homme qui a mené le pays à l’indépendance, lui a redonné sa liberté, sa fierté, son honneur et qui voulait proposer un mode original de développement du pays. Nombreux aussi sont ceux qui croient que sa condamnation à mort et son exécution démoniaque constituaient en elles-mêmes l’enterrement de ces idéaux.
Quoi qu’il en soit, nous Congolais, partout où nous allons dans le monde, nous pouvons dire avec fierté que nous venons du pays de Lumumba…Jusqu’à Téhéran en Iran, un boulevard porte son nom…
Par ailleurs, il est regrettable qu’au sein de la classe politique congolaise, beaucoup se réclament de Lumumba tout en ne faisant que semblant de vouloir appliquer son programme et ses idées. On le cite à loisir, lui érige des statues et vénère sa mémoire, mais la République Démocratique du Congo n’a adopté, jusqu’aujourd’hui,aucune des options politiques, économiques et sociales propres à la pensée de Lumumba. Seul Laurent Désiré Kabila a osé manifester une réelle volonté de résurrection de Lumumba. La plus belle expression de reconnaissance et de gratitude que le peuple congolais lui avait témoignée fut le jour de ses obsèques ! Comment faut-il interpréter ce phénomène inédit et sans précédent, où les milliers de Congolais suivant en larmes le cortège funèbre de Laurent Désiré Kabila, exprimaient manifestement le choc national de cette disparition et la douleur absolue qu’elle provoqua dans le pays ?

Pourquoi, et comment, des deux hommes ont-ils été tellement discrédités de leur vivant ?
Le 22 mars 1959, dans un discours à l’université d’Ibadan, au Nigéria, Lumumba lui-même avait bien expliqué ce troublant phénomène, en disant : «Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont largement contribué, et elles contribuent encore, au suicide de l’Afrique. (…) Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres de division auxquelles se livrent les spécialistes de la politique du «diviser pour régner».

Qu’il s’agisse de Lumumba ou de Laurent Désiré Kabila, il y a certainement eu lynchage médiatique éhonté, comme si le monde avait peur que le grand Congo, au cœur de l’Afrique, soit dirigé par un intellectuel, un nationaliste, un visionnaire. Les voisins du Congo partagent la même crainte : actuellement, tous nos voisins parient sur la faiblesse du Congo, pour se servir de nos ressources stratégiques en vue d’assurer leur propre décollage économique. On cite souvent le Rwanda et l’Ouganda, mais c’est pareil pour tous les pays qui nous sont limitrophes.

Où trouver l’espoir aujourd’hui ? Où se trouvent les héritiers de la pensée politique de Lumumba ?
Seuls quelques inconditionnels, plus ou moins marginaux, continuent encore de prêcher une vision globale de la philosophie de cet esprit politique fondateur qu’est Lumumba, la plupart des partis politiques étant les héritiers de l’ère Mobutu. L’espoir, ce sont ces multiples mouvements citoyens qui éclosent partout dans le pays et qui se réclament de Lumumba. Je songe en particulier aux jeunes militants de la Lucha qui se réclament de l’héritage politique et patriotique de Lumumba. Dans la diaspora aussi, le souvenir de Lumumba reste présent et nombreux sont les Congolais d’origine qui se réclament de lui, perpétuent son héritage politique et transmettent ses idées aux jeunes générations. En effet, Lumumba est une flamme qui n’est pas prête de s’éteindre.

15 janvier 2021

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Laurent-Désiré Kabila, l’homme qui devait mourir

En uniforme, képi sur la tête, Eddy Kapend est sorti la tête haute de la prison de Makala, le centre pénitentiaire de Kinshasa où il a été détenu durant vingt ans. Le 7 janvier 2003, il avait été condamné à la peine de mort, ainsi qu’une vingtaine de co- accusés. Les charges étaient lourdes : attentat, tentative de coup d’Etat complot, association de malfaiteurs, disparition d’armes de guerre, abandon de poste, trahison… La peine de mort n’étant plus appliquée en RDC, la sentence avait été transformée en détention à perpétuité, dans des conditions très difficiles. Chaque fois qu’il en avait l’occasion, Kapend clamait son innocence et assurait que les véritables auteurs du crime et surtout ses commanditaires étaient tous en liberté. Les associations de défense des droits de l’homme se voyaient opposer la même réponse : « il s’agît d’une histoire personnelle, qui dépend directement de Joseph Kabila. »
Pour bénéficier de la grâce présidentielle, les détenus ont donc du attendre que la situation politique change : c’est Félix Tshisekedi, le successeur de Joseph Kabila qui a permis de les libérer. Pour cela, le nouveau président a du s’affranchir de l’accord passé avec son prédécesseur avec lequel il avait accepté de conjuguer ses forces politiques en formant une coalition où le Front Commun pour le Congo, (FCC) disposait d’une écrasante majorité tant à la Chambre qu’au Sénat. Cet accord politique ayant finalement été rompu, non seulement Félix Tshisekedi a tenté de convaincre les élus du FCC de rejoindre la nouvelle alliance, appelée Union sacrée, mais il a franchi l’une après l’autre les « lignes rouges » qu’avait fixé son prédécesseur, dont le sort des prisonniers de Makala, condamnés pour l’assassinat de son père.
Les détenus libérés livreront-ils jamais « leur » vérité » ? On connaît celle d’Eddy Kapend : le 16 janvier 2001, c’est un garde du corps de Laurent Désiré Kabila, Rachidi Kasereka, un ancien Mai Mai (milice du Sud Kivu) qui avait ouvert le feu sur le président, le blessant mortellement alors qu’il se trouvait dans son bureau au Palais de Marbre. Alerté par le bruit, Kapend, l’aide de camp surgit dans la pièce et voyant Rachidi s’enfuir, l’arme à la main, il fit feu à bout portant, tuant le jeune garde du corps et l’empêchant ainsi de révéler l’identité des éventuels commanditaires du crime. Un scenario à la Kennedy, avec Rachidi dans le rôle du malheureux Oswald.
Trop d’ennemis pour un seul homme
Vingt ans après la disparition de celui qu’on appelait le Mzee, le Vieux, le mystère n’est toujours pas éclairci, mais une certitude s’impose : arrivé au pouvoir en mai 1997 au terme d’une « longue marche » entamée au Kivu sept mois plus tôt, Laurent Désiré Kabila avait trop d’ennemis pour pouvoir espérer rester longtemps au pouvoir. Alors qu’il avait été amené à Kinshasa par les armées du Rwanda et de l’Ouganda, auxquelles s’étaient joints des Angolais et même des Zimbabwéens, Kabila, un an après la chute de la capitale en mai 1998 avait prié ses alliés étrangers de quitter le pays. Le vieux maquisard, qui avait longtemps défié Mobutu depuis son maquis installé au sud de Bukavu, où il avait même accueilli Che Guevara, n’appréciait guère la tutelle que ses alliés exerçaient sur lui, le général rwandais James Kabarebe ayant même été nommé chef d’Etat major de l’armée congolaise ! En plus d’une surveillance constante, Kabila avait du endosser la responsabilité des nombreux crimes de guerre et massacres commis par ses alliés rwandais et ougandais alors qu’ils traquaient les réfugiés hutus, militaires et civils, arrivés au Congo après le génocide de 1994 au Rwanda. En outre, le président congolais était choqué la manière dont ses alliés de circonstance pillaient le Congo, pour se rembourser des frais de la guerre. Mais au lendemain même de leur expulsion, le 31 août 1998, les troupes rwandaises lancèrent au Kivu une nouvelle offensive qui allait bientôt être qualifiée de « première guerre mondiale africaine » ,six pays y étant impliqués !
Durant les trois ans qu’il passa au pouvoir, Laurent-Désiré Kabila, fidèle à son passé de maquisard et à la formation acquise dans les pays communistes (entre autres à Belgrade), avait tenté de remettre de l’ordre dans le pays, d’une main de fer : journalistes emprisonnés, ministres corrompus embastillés sans jugement, refus d’accueillir une commission d’enquête internationale sur les massacres commis (par ses alliés) durant la guerre, mise sur pied de « comités de pouvoir populaire » rappelant la Chine ou la défunte URSS. La population lui était reconnaissante d’avoir pris des mesures sociales, comme l’ouverture de cantines populaires ou le paiement régulier des pensions des militaires, mais les Occidentaux étaient très hostiles à cette sorte d’ « ovni » politique, et en dépit des promesses ils refusèrent de financer la reconstruction du Congo. Alors qu’il était de plus en plus isolé et critiqué, la disparition du vieux combattant, qui avait autrefois invité Che Guevara dans son maquis, avait fini par paraître inéluctable : des armées étrangères occupaient les deux tiers du territoire, l’économie sombrait faute d’investisseurs, les arrestations se faisaient de plus en plus arbitraires. Lorsque Rachidi, dont on ne sut jamais qui l’avait payé, armé, poussé à tuer, ouvrit le feu, les Congolais pleurèrent car ils avaient fini par apprécier le vieux chef, mais dans les ambassades le champagne coula.
Désigné à la succession de son père par Gaëtan Kakudji, un ancien de Belgique, Joseph Kabila s’engagea à réunifier et à pacifier le Congo et promit d’organiser des élections. Louis Michel le prit sous son aile et Jacques Chirac s’exclama « mais il est bien ce petit ». Les accords de Lusaka furent conclus, une constitution promulguée, des élections organisées en 2006. Alors que Joseph Kabila avait été considéré comme un « intérimaire », ce n’est qu’après 18 ans de pouvoir qu’il prit congé à regret, non sans s’être sérieusement enrichi et laissant un Congo profondément transformé, modernisé, envahi tant par les multinationales que par les Chinois, produisant un million 400.000 tonnes de cuivre par an, avec une population toujours aussi misérable et des guerres sans fin dans l’Est du pays.

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  • : Congo Panorama. Le blog du soldat du peuple: Par Antoine Roger Lokongo, le Soldat du Peuple engagé dans la bataille des idées pour un Congo meilleur. Un Congo qui s'assume et devient un parténaire clé de la Chine, hier un pays sous-développé, qui, en un lapse de temps, a changé son destin en comptant sur ses propres efforts et devenu une puissance.
  • : A partir des idées de mes héros, Patrice Emery Lumumba et Laurent Désiré Kabila, je suis l'actualité politique de mon pays, la République Démocratique du Congo en partuclier et de l'Afrique en général et je donne mes commentaires. Antoine Roger Lokongo
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  Ces CPP-ci sont la lumière des ouvriers
et des paysans,
ainsi que de tout opprimé.

Il n’y a point de doute d’abattre l’exploitation et de créer une juste société.

Notre serment est de ne jamais échouer,
enjoignons toutes nos forces en un faisceau,
tenons bien nos armes dans nos mains,
car ces CPP sont la force du peuple.


Dans sa noble cause,
jamais de spoliation.

Notre lutte revendique nos droits,
quoiqu’il en coûte,
jamais de servitude.


Pour les opprimés,
la Révolution est un rempart,
son ultime but est que le peuple gouverne.

Laurent Désiré Kabila,
lâchement assassiné le 16 janvier 2001.

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