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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 12:22

15 janvier 2021

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De Patrice Lumumba à Laurent Désiré Kabila
Témoignage de Didier Mumengi, écrivain, (1) dernier ouvrage paru, « La rumba congolaise, histoire et économie », aux éditions l’Harmattan, Ancien porte-parole et ministre de l’information de Laurent Désiré Kabila

Didier Mumengi, au titre de porte parole, fut extrêmement proche de Laurent Désiré Kabila. Il partageait avec lui un engagement lumumbiste, un même amour du Congo, une identique volonté de redresser ce pays. Il a été témoin aussi des campagnes de dénigrement dont fut l’objet cet ancien maquisard parfois reconverti dans les affaires. Il a mesuré les difficultés auxquelles, mal préparé à cette tâche surhumaine, mal entouré parfois et trahi par ceux qui l’avaient porté au pouvoir, ce « chef d’Etat par accident » qu’était Laurent Désiré Kabila a lutté jusqu’à son dernier jour, bien conscient du fait que, ailleurs qu’au Congo, son sort avait été scellé. Comme l’avait été celui de Patrice Lumumba.

A quel titre avez-vous fait partie du premier gouvernement mis sur pied par Laurent Désiré Kabila après son arrivée à Kinshasa en 1997 et ce dernier se réclamait-il de Lumumba ?
Depuis toujours j’appartiens à la famille lumumbiste : mon grand-père, Mathias Kemishanga était un ami personnel de Patrice Lumumba et après la mort de ce dernier, il dut s’exiler à Brazzaville, de 1961 à 1997. Moi-même, je me suis toujours référé à Patrice Lumumba et à dix huit ans, je possédais la carte de son parti, le Mouvement National Congolais. C’est à ce titre, sur le « quota » d’un seul poste attribué au MNC que je me suis retrouvé directeur de cabinet de Madame Juliana Lumumba, au ministère de l’information, dans un gouvernement où les représentants de l’UDPS étaient de loin les plus nombreux. Plus tard, en juin 1998, je devins ministre de l’information et porte-parole du gouvernement.
Les traits communs entre Lumumba et Laurent-Désiré Kabila(LDK) se résument en deux citations. La première remonte au premier meeting de Lumumba à Léopoldville le 29 décembre 1958 : « Nous voulons nous libérer pour collaborer avec la Belgique dans la liberté, l’égalité et la dignité. C’est un droit fondamental, naturel et sacré qu’aucune puissance ne peut nous arracher. Cette collaboration n’est pas possible dans des rapports de sujétion et de subordination ».
La deuxième citation se trouve dans le dernier message de Lumumba enregistré dans la prison de Thysville(aujourd’hui MbanzaNgungu), avant d’être expédié au Katanga, le 8 janvier 1961. Lumumba dit : « Nous savons très bien que l’on ne construit rien de durable dans la haine et la rancune. Et nous devons combattre jusqu’aux racines la haine tribale qui représente un obstacle aux relations entre les hommes et les peuples. Notre programme politique a toujours été le Congo aux Congolais et la gestion du Congo par les Congolais, aidés par les techniciens qui sont disposés à servir le pays et ce, quelle que soit leur nationalité ».
Laurent Désiré Kabila le répétait à souhait : « ces deux messages ont toujours constitué mon catéchisme politique… »
De mon point de vue, trois axiomes forment le point commun entre Patrice Lumumba et Laurent-Désiré Kabila, à savoir: l’indépendance nationale, l’unité et l’autodétermination du peuple congolais, et enfin, le panafricanisme.
L’histoire, elle aussi, rapproche les deux hommes. Il y a d’abord la proximité de la date de leurs assassinats : le 16 janvier pour Kabila, le 17 janvier pour Lumumba. Ensuite, ce sont les difficultés auxquelles ils se sont heurtés dès le début de leur accession à l’exercice du pouvoir d’Etat. À peine Lumumba a-t-il prêté serment comme Premier ministre, le 30 juin 1960, que le 11 juillet 1960, le Katanga décrète la sécession. Un mois plus tard,le 9 août 1960, Albert Kalonji proclame l’Etat indépendant du Kasaï… C’est alors que le Congo amorçe sa descente aux enfers !
Quant à LDK, il accède au pouvoir en mai 1997 et le 2 août 1998,commence la guerre d’agression menée par le Rwanda et l’Ouganda. Le lendemain, Kabila tire la leçon de tous ces évènements et déclare : « il y a comme une sorte de décret mondial qui interdit à l’élite congolaise d’aimer le Congo, d’être patriote et de se dévouer pour le bien-être des Congolais. Seuls les dirigeants congolais qui trahissent leur pays, et qui le livrent aux appétits prédateurs de l’étranger ont droit à la reconnaissance, à l’amitié et à l’assistance des puissances de ce monde. »
IL faut rappeler aussi ce que Laurent Désiré KABILA présentait comme l’héritage spirituel et idéologique de Lumumba à l’élite politique congolaise. Il le résumait par cette évocation de LUMUMBA au cours d’une tournée de pacification du pays menée en juillet 1960 avec le Président Kasa-Vubu. Lumumba avait notamment déclaré : « soyons capables de grandeur à la hauteur de la grandeur du Congo et de ses grands problèmes ».

Amour du Congo, nationalisme, panafricanisme, tels sont les points communs entre les deux hommes.
Du reste,LDK ne s’est pas enrichi. Il est mort pauvre, sans maison sans compte en banque…Je me rappelle que, le 2 janvier 2001, quelques jours avant sa mort, le président avait réuni ses ministres. Posant le montant de son salaire sur la table, il leur déclare : « vous allez vous partager tout ce que j’ai, cet argent, mes économies… » Et il conclut : « je veux partir léger ». Rares étaient ceux qui comprirent ce geste, et il fut assassiné deux semaines plus tard.
Comme Lumumba, malgré son dévouement patriotique, il demeure incompris et a été victime aussi bien d’un dénigrement systématique que d’un lynchage médiatique international sans précédent.
Quel est le bilan « lumumbiste » de Kabila à la tête du Congo ?
Il a réhabilité le drapeau de Lumumba, restauré l’hymne national de 1960 « Debout Congolais », rétabli le nom « Congo » originel, abandonnant le « Zaïre » de Mobutu… Au soir du 30 juin 1998, jour de l’introduction du« Franc Congolais »LDK m’avait fait cette confidence : « Ils avaient assassiné Lumumba pour mettre le destin du Congo à l’envers, je l’ai remis à l’endroit. Il ne me reste qu’une chose : réaliser la volonté prématurément interrompue de Lumumba, celle de refaire l’honneur du Congo en faisant le bonheur des Congolais ».
Sur le plan social, il a instauré le Service National par lequel des jeunes de toutes les ethnies étaient brassés, apprenaient les quatre langues du pays et devaient travailler ensemble sur des projets agricoles. Il avait un rêve : enrôler dix millions de jeunes dans le Service National pour réaliser l’autosuffisance alimentaire endéans trois ans.
Laurent Désiré Kabila souhaitait pratiquer la « démocratie participative et directe » et exhortait le peuple à « l’auto-prise en charge à la base ».À cette fin, il créa les « Comités du Pouvoir Populaire », des organisations de base dont les membres se mobilisaient pour résoudre, par leurs propres moyens d’abord, les problèmes qui se posaient dans leur quotidien.
Sur le plan social, il avait intimé un ordre ferme :à la fin de chaque mois, les fonctionnaires de l’Etat, les militaires, les policiers et les enseignants devaient être les premiers à être payés, les ministres en dernier lieu. Le salaire le plus bas étant fixé à 100 dollars par mois, le dernier fonctionnaire recevait donc une somme qui lui permettait de vivre sans recourir à la corruption.

Comment comprendre qu’au début de la guerre de 1996, Kabila ait été soutenu par les Etats-Unis ?
Je me rappelle qu’en mars 98, à l’occasion d’un sommet africain, il avait rencontré en Ouganda le président Bill Clinton. S’adressant à Kabila, ce dernier qui se souvenait de Mobutu, fidèle allié des Etats-Unis du temps de la guerre froide, avait dit « on vous présente comme un leader communiste… Mais comment peut-on encore croire au communisme en 1998» ? Kabila avait répondu : « tout comme Lumumba, je ne suis pas communiste, je suis avant tout un patriote. J’aime le Congo et j’ai décidé de me dévouer pour le bien-vivre des Congolais au péril de ma vie. Je ne supporte pas de voir que l’un des pays les plus riches du monde abrite le peuple le plus pauvre du monde ». Naturellement, les Etats-Unis ne pouvaient pas soutenir la lutte armée d’un leader qu’ils considéraient comme communiste…

De ces deux hommes, qu’est ce qui subsiste dans la conscience populaire ?
Si la vérité de cet homme hors norme se dérobe toujours à l’analyse, bien que chaque 17 janvier le pays communie dans l’hommage au héros national, soixante ans après sa mort, Lumumba demeure dans la conscience populaire la figure symbolique de l’homme qui a mené le pays à l’indépendance, lui a redonné sa liberté, sa fierté, son honneur et qui voulait proposer un mode original de développement du pays. Nombreux aussi sont ceux qui croient que sa condamnation à mort et son exécution démoniaque constituaient en elles-mêmes l’enterrement de ces idéaux.
Quoi qu’il en soit, nous Congolais, partout où nous allons dans le monde, nous pouvons dire avec fierté que nous venons du pays de Lumumba…Jusqu’à Téhéran en Iran, un boulevard porte son nom…
Par ailleurs, il est regrettable qu’au sein de la classe politique congolaise, beaucoup se réclament de Lumumba tout en ne faisant que semblant de vouloir appliquer son programme et ses idées. On le cite à loisir, lui érige des statues et vénère sa mémoire, mais la République Démocratique du Congo n’a adopté, jusqu’aujourd’hui,aucune des options politiques, économiques et sociales propres à la pensée de Lumumba. Seul Laurent Désiré Kabila a osé manifester une réelle volonté de résurrection de Lumumba. La plus belle expression de reconnaissance et de gratitude que le peuple congolais lui avait témoignée fut le jour de ses obsèques ! Comment faut-il interpréter ce phénomène inédit et sans précédent, où les milliers de Congolais suivant en larmes le cortège funèbre de Laurent Désiré Kabila, exprimaient manifestement le choc national de cette disparition et la douleur absolue qu’elle provoqua dans le pays ?

Pourquoi, et comment, des deux hommes ont-ils été tellement discrédités de leur vivant ?
Le 22 mars 1959, dans un discours à l’université d’Ibadan, au Nigéria, Lumumba lui-même avait bien expliqué ce troublant phénomène, en disant : «Ces divisions, sur lesquelles se sont toujours appuyées les puissances coloniales pour mieux asseoir leur domination, ont largement contribué, et elles contribuent encore, au suicide de l’Afrique. (…) Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres de division auxquelles se livrent les spécialistes de la politique du «diviser pour régner».

Qu’il s’agisse de Lumumba ou de Laurent Désiré Kabila, il y a certainement eu lynchage médiatique éhonté, comme si le monde avait peur que le grand Congo, au cœur de l’Afrique, soit dirigé par un intellectuel, un nationaliste, un visionnaire. Les voisins du Congo partagent la même crainte : actuellement, tous nos voisins parient sur la faiblesse du Congo, pour se servir de nos ressources stratégiques en vue d’assurer leur propre décollage économique. On cite souvent le Rwanda et l’Ouganda, mais c’est pareil pour tous les pays qui nous sont limitrophes.

Où trouver l’espoir aujourd’hui ? Où se trouvent les héritiers de la pensée politique de Lumumba ?
Seuls quelques inconditionnels, plus ou moins marginaux, continuent encore de prêcher une vision globale de la philosophie de cet esprit politique fondateur qu’est Lumumba, la plupart des partis politiques étant les héritiers de l’ère Mobutu. L’espoir, ce sont ces multiples mouvements citoyens qui éclosent partout dans le pays et qui se réclament de Lumumba. Je songe en particulier aux jeunes militants de la Lucha qui se réclament de l’héritage politique et patriotique de Lumumba. Dans la diaspora aussi, le souvenir de Lumumba reste présent et nombreux sont les Congolais d’origine qui se réclament de lui, perpétuent son héritage politique et transmettent ses idées aux jeunes générations. En effet, Lumumba est une flamme qui n’est pas prête de s’éteindre.

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Laurent Désiré Kabila,
lâchement assassiné le 16 janvier 2001.

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